Surmonter la blessure
Accepter. Positiver. Avancer.
« Pourquoi j’ai flirté avec l’abîme ? Avant de trouver une réponse, il faut accepter. Votre mot clé c’est l’acceptation. C’est valable pour toi aussi hein. Si vous voulez vous détacher du problème, il faut passer par l’acceptation d’ce problème. Oui j’ai été fumeur ! Oui j’ai été dans l’erreur ! Oui j’ai été un minable, une loque, un moins que rien mais je veux guérir parce-que j’veux m’en sortir. Libérez vos énergies positives afin de vous débarrasser de ce carcan d’auto-culpabilisation qui enraye les rouages de votre chemin initiatique ». Le Pari, Philippe Chevalier.
Seuls ceux qui vivent pleinement leur passion pourront saisir la véritable portée des paroles qui suivront. Pour les autres, cela paraîtra comme de vaines pensées infondées ne nécessitant pas tant d’égard. Ils ne savent pas ce qu’ils ratent !
« Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu ».
Chamfort.
Le poids de la culpabilité
Je suis tombée. A ski. Bêtement. En même temps, c’est rarement de façon intelligente et consciente qu’on se dit : « Tiens, cette bosse, si je la prenais à pleine vitesse et que j’envoyais tout le poids de mon corps en avant, histoire d’avoir aucune chance de me rattraper, et on laisse faire le destin ».
C’est qu’après, en repensant à cet instant T où on a pris la décision de se déchirer le genou, qu’on se voit comme la personne la plus stupide du monde. Mais bon, c’est facile de juger après coup, extérieurement, quand nous ne sommes plus maitre de la situation et que toutes nos pensées peuvent modifier les évènements d’avant. Comme disait Ernest Shackleton dans l’Odyssée de l’Endurance, « il est toujours facile d’être prévoyant quand les événements sont passés ».
Ces idées, ces souhaits de retour en arrière pour modifier le passé me hantent assez souvent. Je repense à mon inconscience passagère et me culpabilise. Tous les projets des prochaines semaines ne resteront que des idéaux, beaux à n’être qu’imaginés. Les seuls exploits que je serai fière d’évoquer les prochains jours sont le nombre de marches montées d’affilés sans ressentir quelconques douleurs, le rebord de la douche franchit en passant d’abord la jambe malade, les secondes supplémentaires que je gagnerai en réalisant l’exercice de la chaise, le centimètre pris à l’extension de ma jambe, le kilomètre que je parcourrai en moins de 20 minutes.
Le tableau est tout noir au début. Je ne peux plus faire. Je ne peux plus vivre ma passion qui occupait jusque-là une bonne partie de mes journées. Un immense vide s’installe. Les journées apparaissent beaucoup plus longues alors que ce sont toujours les mêmes 24 heures. Le soleil, bien qu’étincelant, ne brille plus de la même façon et est beaucoup moins chaud.
Puis les lamentations cessent. Rapidement. Une journée de désolation est bien suffisante. C’est vraiment pas marrant de pleurer sur son sort. Je préfère nettement tourner les choses de façon à ce qu’elles soient agréables, c’est plus facile à vivre et c’est vraiment pas mal ! C’est fait c’est fait, on peut rien y changer, donc faisons avec !
Accepter sa situation
Je n’ai aucune emprise sur mon sort si ce n’est celui d’en triompher et d’en faire murir les plus beaux fruits. Never back down ! Mon corps est autonome et sait la tâche qu’il a à accomplir : réparer ce genou. Pour le reste, on a la chance de former une belle équipe, c’est moi qui gère. Les autres parties de mon corps fonctionnent, je me concentrerai sur elles. Délaissées toute l’année, c’est dans mes blessures qu’elles retrouvent le devant de la scène. Enfin sauf quand je me fais une épaule, mais ça, c’est une autre histoire. Chaque blessure est différente !
Du coup, très rapidement, on oublie ses tracas, on les refoule et on passe à la phase où les maîtres mots sont optimisme et positivisme ! Bien que notre cœur ne puisse plus battre, passagèrement, pour notre passion et nous apporter les merveilleuses émotions qu’on y trouve, il se peut, que d’autres choses existent et apportent un semblant de ressemblance. Notamment, une chose basique, nommée le repos. L’été précédent, mon transat n’a jamais eu le loisir d’accueillir mon poids contrairement aux sentiers qui devaient en avoir marre de subir mes foulées. Depuis ma blessure, c’est quotidiennement qu’il m’accueille, sans rancœur. Brave bête. J’ai redécouvert le plaisir de l’inertie. D’être étendue, pendant des heures, au soleil, sans rien faire, écoutant simplement le chant des oiseaux, le bruit des gens qui passent où l’album inédit de Pierre Bachelet. Le dernier.
Les livres ont également été mon refuge pendant cette convalescence. De formidables amis permettant de s’évader, de vivre de merveilleuses aventures en restant toujours à la même place. Derrière ces pages sans reliefs se cache un monde sans limite. Aux côtés d’Ernest Shackleton, Mike Horn, Gaston Rébuffat, Patrick Bérault et tant d’autres, j’ai continué à vivre cette exaltation, ressentir ces frissons et éprouver ces sensations fantastiques des longues journées dans la nature.
Gérer ses frustrations
Une fois la partie psychologique traitée et l’esprit occupé par d’autres activités, un autre iceberg surgissait.
Côté pratique sportive, la frustration frappait à ma porte. Pour que celle-ci reste bien fermée, ce ne fut pas une mince affaire, mais encore une fois, ne voyant que le positif, cette tâche ne s’avéra pas si difficile.
Pour satisfaire mon appétit sportif et surtout pour maintenir ma forme, j’ai réalisé et recensé chaque exercice qui ne serait pas susceptible de freiner ma guérison ou de déclencher des douleurs inutiles. Je me félicite au passage de m’être blessée à l’épaule l’année dernière ; ainsi, j’ai pléthore d’idée pour muscler mon dos et mes épaules. La vie est vraiment bien faite. Sinon, en l’absence de schéma d’entrainement, je vous encourage plus que vivement à vous rapprocher de votre kiné. Cette espèce d’être vivant est fantastique et a plus d’un tour dans son sac !
L’heure de l’exploration de muscles jusque-là jamais calculés était donc arrivée, le trail retenant toute mon attention ! Biceps, triceps, épaules, pectoraux, dorsaux, lombaires, abdo, obliques, tout y passe. Mon but n’est plus de parcourir 100 bornes mais d’enchaîner 5 tractions. Ma routine quotidienne tourne donc autour de ces exercices, durant environ 30min. Travailler ce qu’il est possible de travailler, exploiter chaque parcelle de mon corps, afin d’apaiser un manque qui pourrait consumer mon être.
La satisfaction de l’exercice accomplit apaise ce feu impossible à éteindre. Le seul aspect manquant est celui de l’endurance et de l’effort intense de longue durée, accompli dans les montagnes. Patience jeune Padawan. Ton heure reviendra.
S’émanciper de l’expériences des autres
Pour garder intact son moral et son ascension vers la guérison, je vous conseille également de ne pas discuter avec n’importe qui, notamment les Jean Michel Relou. Mis à part ruiner votre journée et vos espoirs, ils ne feront rien d’autre. Je ne compte plus les gens me disant de faire attention, que la récidive est inévitable, que la douleur va durer très longtemps, que ça ne s’est jamais vraiment remis. Dans le genre optimiste, tact et humanité on repassera. Donc mis à part la famille, le kiné et le médecin, j’évite ce sujet, les relous sont partout et je ne compte pas les laisser entrer pour m’enterrer et empiéter sur mon chemin ensoleillé.
Bien sûr, ça « peut » partir d’une bonne intention, mais à cet instant, croyez bien qu’entendre parler de récidive n’est pas vraiment ce dont on a besoin ! Donc, plus clairement, on s’en fout de l’avis des autres et des expériences passées. Chaque cas est différent et je ne veux pas m’influencer, me leurrer ou espérer. Droite dans mes guiboles, la seule pensée qui occupe mon esprit, c’est celle de la guérison certaine, peu importe le temps, je parcourrai le chemin, sans me précipiter.
Soyez terre à terre. Il ne faut pas non plus s’accrocher à l’image idéale de celui qui s’est relevé rapidement et pour qui tout rayonne. Si les progrès ne sont pas aussi rapides que les siens, les doutes surgiront. Alors on évite le sujet et on le zappe des conversations avec les autres. Ça permettra au passage de l’oublier aussi cette foutue blessure.
Faire des petites victoires de grandes avancées
Dans chacune de mes blessures, mes joies ne provenaient pas du temps qui avançait, des douleurs qui s’atténuaient ou du gonflement de la pile des livres dévorés. Non, à chaque fois, elles émanaient de ces petites choses m’étant impossible de réaliser au premier jour de ma blessure.
Quand je me suis fait l’épaule l’année dernière, je ne saurai exprimer verbalement le bonheur ressenti lorsque j’ai fait la vaisselle pour la première fois, au bout d’une bonne semaine. Jusque-là, dans l’incapacité de la faire, j’avais adopté la technique du rinçage à l’eau brulante pour me débarrasser de toutes les traces de nourriture. C’était efficace !
Toutes ces victoires, insignifiantes pour quelqu’un de valide, ont une saveur particulièrement miraculeuse ! Parvenir à s’attacher les cheveux enfin seule, réussir à mettre sa chaussure, faire ses lacets, lever le bras pour prendre les clés sur la table.
Quel bonheur que de retrouver son autonomie, son indépendance. Soyez heureux de votre évolution. Chaque réussite est une renaissance. Alors, célébrez ces choses futiles qui font de vous de réels vainqueurs ! Vous seuls êtes responsables de ces exploits, de par votre volonté et persévérance ! Mentalement, vous vous verrez comme Iron Man et c’est pas plus mal pour la suite !
Agir seul
Le corps humain et l’esprit sont fantastiques et ont une capacité incroyable à s’adapter aux choses. Des solutions pour pallier nos incapacités fleurissent continuellement. Soyez malin pour agir autrement et ne pas dépendre de votre blessure et des autres. C’est aussi une des clés de la guérison. Affronter seul, le plus souvent possible, les obstacles inévitables et inhérents à l’immobilisation d’un membre. Moralement, c’est gratifiant. Et qui aime dépendre des autres ?
Alors oui, le temps est parfois multiplié par 10 pour faire une tache basique, mais, le temps, on l’a. Inutile, je l’espère, de préciser que je parle d’actes qui ne vous mettent pas dans l’inconfort, dans l’échec inévitable ou dans la douleur ! Par contre, ces actes-là, on ne les délègue pas non plus, sauf s’ils sont vitaux. On les inscrit à la suite des autres dans la liste des choses qui témoigneront de notre évolution. Le ménage n’a pas été fait chez moi depuis 3 semaines. Personne n’en mourra. Je le ferai quand j’en serai capable et ce sera l’occasion de boire un coup pour fêter ça !
Entourez-vous, mais entreprenez seul.
Il n’y a pas de solution miracle qui, en un claquement de doigt, vous remette sur pied. Alors patientez. Reposez-vous, cuisinez, lisez, jouez, discutez, prenez des nouvelles. Ne brulez pas les étapes. La route est longue et sinueuse mais l’arrivée est belle et promet un nouveau chapitre des plus illuminé, embellis par les enseignements des pages précédentes. Tous les jours ne se passeront pas sous un beau soleil, mais les nuages passagers portant doute, ennui et inquiétude seront soufflés par ce vent de courage, de résilience et de volonté qui anime chacun de nous, vivant une épreuve humaine difficile.
Sagesse et apprentissage gagneront. Sensiblement identique physiquement, sauf si vous avez été amputé, vous ressortirez pourtant dix fois plus grand qu’au début de l’épreuve.
4 Responses
Venu sur le blog en espérant trouver un récit de la petite balade en Suisse, je me suis finalement arrêté sur cet article que j’ai trouvé très juste et bien écrit. J’ai bien ri sur le concept du Jean-Michel Relou, on en connait tous!
Le récit va arriver ! Le temps que ça mijote bien pour être capable de tout bien retranscrire ! Et les vacances ont pas mal retardé tout ça ! Merci pour ton commentaire !
Coucou, j ai découvert ce blog en cherchant des infos pour cet été sur des itinéraires aux alentours du Thabor
Puis je t ai suivi sur Strava pour télécharger la trace gpx , puis je suis tombé sur le récit de ta blessure.
Même si je suis loin de faire tout ce que tu fais j’ai toujours eu la hantise d’une blessure avec une longue convalescence, donc bravo, tu es un exemple et un espoir pour ceux à qui ça arrive
La retranscription de tes périples est super , c’est bien écrit et les photos illustrent bien le parcours
Le fait de te suivre sur Strava m’a permis aussi grâce aux photos de m’abstenir d’aller randonner trop haut fin mai . Vu l’enneigement très tardif lors de tes dernières sorties J’ai opté pour les barronies et ça a été une bonne surprise. Mais cet été normalement cap sur les Cerces…
Merci encore pour tous tes partages ,même si parfois en voyant ton activité sur Strava je me demande comment tu es capables d’enchaîner autant de sorties, quelle énergie ! 😱
Merci pour ce beau commentaire 👏