Premier dossard épinglé après mon échec à l’UTB. Cette fois je revois mes critères et décide d’une distance plus raisonnable pour apprendre à bien gérer mes ravitaillements.
Je m’engage donc sur un 65km pour 3900m de dénivelé positif. Profil ressemblant étrangement au kilométrage auquel je me suis arrêtée à l’UTB. Pas de coïncidences la dedans. J’avais souffert à partir du km50 sur l’Ultra. Je compte sur cette course et mon expérience passée pour appréhender au mieux ces 15derniers kilomètres en gérant bien les 50 premiers !
Je sors de 15jours de vacances en Oisans. J’ai arpenté des chemins très techniques et caillassés. J’ai parcouru pas mal de bornes tant verticaux qu’horizontaux. Je suis donc en forme, peut être un poil fatiguée mais j’ai commandé le repos pour le 26 donc il me reste de l’énergie pour ce trail !
J’arrive comme d’habitude la veille à Pralognan pour retirer mon dossard. Sauf que maintenant, je ne suis plus dans ma voiture ! Non non non, j’ai mon fourgon ! Cuisine américaine, îlot central, lave linge et gazinière ! Et surtout, un lit bien confortable ! Bret, tout ce qu’il faut pour vivre.
Dossard retiré, numéro 224. La pression du numéro 1 ne m’accompagnera pas cette fois !
J’assiste au Briefing à 18h et retrouve Maxime vers 19h (qui participe également et qui vient de faire la Montée au Bochor) pour manger. On se commande une bonne salade savoyarde avec des patates, du lard, des diots et de la salade. Tout ça accompagné d’une bonne bière au Génépi et d’une tarte au citron meringuée en dessert. Le plein est fait. On se quitte vers 20h30 pour retrouver nos couchettes respectives. Je me mets rapidement au lit et m’endors vers 21h.
Dimanche 25 Août 2019, 2h00 : ahh le retour du réveil matinal. Ou nocturne plutôt. Je me lève sans difficulté, j’ai envie de borner. Je revêt mes habits préparés la veille, accroche mon dossard et vérifie mon matos dans mon sac quasiment vide. J’adore ce trail, pas beaucoup de matériel imposé. Le strict minimum. Mais le strict nécessaire surtout. Rien de superflu.
Une fois le sujet matériel réglé, place à la bouffe. A la lumière de ma frontale, je me fais bouillir de l’eau pour ma drogue caféiné, me prépare mes tartines châtaignées, et mange tout cela tranquillement en faisant mes mots croisés. Ahh qu’on est bien !
Je range tout mon bazar et prépare mon camion au départ de cet après midi. Comme ça si j’suis fatiguée, j’aurai plus qu’à allumer le moteur et à rouler en pilote automatique. Et puis c’est bien le moment de faire ça à presque 3h du matin non ?
D’ailleurs, 3h, c’est le moment d’aller aux toilettes ! J’vais aller leur rendre visites environ 4 fois avant le départ à celles-ci.
3h30, il est temps pour moi de troquer mes crocs contre mes speedcross. Je saisis mes bâtons qui commencent à accuser le coup. Je ne peux plus désunir la partie supérieure du gauche, ça a rouillé au niveau de l’emboitement et impossible de débloquer ça ! Original ! Bref, mes 3 brins ne sont plus que des un brin par soucis d’équité, mais aussi de praticité.
J’ai tout ! Je ferme le camion pour rejoindre l’aire de départ. Je m’isole sur une jardinière et retombe dans mon bad trip d’avant course, à fixer le vide, me demandant à quel moment j’avais décidé de me lever à 2h du mat mon dernier jour de vacances pour me taper 65 bornes et presque 4000d+ alors que je devrais me reposer après mes deux semaines Uissanes intensives.
Max arrive, me sortant de mes rêveries. On rejoint l’aire de départ. Je dors debout en attendant le décompte. Era nous berce avec ses mélodies médiévales et mystiques. Ca me réveille, l’atmosphère nocturne devient stimulante et envoutante avec ces chansons.
Le speaker nous confirme le temps radieux annoncé pour la journée, l’absence de nuages et un soleil omniprésent ! On va se RE.GA.LER !
Presque 4h00, le décompte commence. Le cœur s’accélère. « Vous êtes prêts ?? Allez, 5, 4, 3, 2, 1, C’EST PARTI ! Profitez de cette journée !«
On s’élance. Mais c’est quoi cette allure de départ ? Enfin ce sprint ?? Wowowo…j’ai le cœur qui monte direct à 200. Les gars c’est pas le 10 bornes là ! Bref, influençable comme pas deux, je suis bêtement le rythme imposé, me déclenchant au passage, dès le début, une sensation de nausée et d’être incapable d’avaler quoi que ce soit. Beh pourquoi tu penses tout de suite à l’alimentation, à peine 1km après le départ Manon ? Un UTB mal géré ?
Encore une fois, c’est pas pour dire mais l’organisation nous a mis la pression ! « Si vous êtes pas arrivés au Col de la Vanoise au bout de deux heures, il faudra vous poser des questions sur votre capacité à boucler la course. Y’a pas de BH mais soyez vigilants !«
1er tronçon : Pralognan (1400m) – Refuge de la Vanoise (2518m) : 8km – 1100d+ – 0d-.
Je suis le rythme imposé sans grosse difficulté mais je sens que c’est quand même bien supérieur à mon allure habituelle de départ. Heureusement, on rejoint rapidement la première montée et ça se calme. On grimpe tout de même à une très bonne allure. Mais c’est une allure que j’ai choisie cette fois. Je m’accroche à mon bon vieux Bernard.
Avec Bernard, on évolue bien, rapidement, sans s’essouffler. Le moteur chauffe bien, sans pannes. Comme d’habitude, la nuit, tout est plus simple. Les Fontanettes, déjà ?? Les Barmettes, c’est si près ??
Ahhh, on va arriver sur ce fabuleux sentier du sel, si beau la journée. Dommage d’y être de nuit. Mais je préfère que ce soient ces passages connus qui restent cachés, me permettant de découvrir les inconnus une fois le soleil levé.
On abandonne le grand chemin carrossable pour les petits sentiers. Mon plus grand bonheur. Un chemin parsemé de pierres. Une inclinaison parfaite. Des lacets réguliers. Tout pour me combler. Et je suis comblée. Le sourire jusqu’aux oreilles, j’avale cette montée. J’ai l’impression de voler.
On arrive au Lac des Vaches. Je m’assure que ce ne soit pas glissant sur les pierres de la traversée. Je m’y suis déjà faite avoir l’année dernière en fin de saison ce qui m’a valu une belle gamelle. Tout va bien, tu peux galoper dessus Manon.
Je quitte Bernard à contrecœur, mais le rythme ne me convient plus et j’ai envie d’aller à une cadence légèrement supérieure. Je suis en train de lui marcher sur les bâtons c’est pas correct !
Je fais donc connaissance avec le dos de Thierry. Salut ! Mais je le quitte rapidement, pas assez rapide pour moi.
Je m’accroche à un petit groupe mixte jusqu’au ravito du Refuge de la Vanoise. On est sur un plateau, ça caille un peu. En bas il faisait 9°C. Ca doit pas être chaud ici.
J’approche du ravito. Je n’ai pas bu grand chose dans la montée. Ca ne m’inquiète pas c’est le début. Il fait froid et la montée fut intense. Mais je m’impose désormais de boire très régulièrement. Je prends mon verre de coca et mange du sucré. Le salé ce sera pour après. A 5h du mat c’est trop difficile le saucisson.
J’ai mis moins d’1h20 à atteindre ce point. Bah alors, tu t’inquiétais des 2h sérieux ??
2e tronçon : Refuge de la Vanoise (2518m) – Refuge de la Leisse (2487m) : 10.5km – 400d+ – 425d-.
Cumul : 18.5km – 1500d+ – 425d-.
C’est parti pour quelques kilomètres de plat descendant dans la nuit. Terrain pas technique. Je m’impose une allure douce pour ne pas me fusiller les jambes. J’ai quelques douleurs au genoux en descente. Séquelles de mes deux semaines en Oisans. N’y pense pas et ça ira. C’est juste de la fatigue.
Au bout d’un kilomètre, ce sont d’autres douleurs qui me viennent. Des douleurs abdominales me fusillent. Mais non ?? Pourquoi maintenant ?? J’essaye de continuer mais mon esprit est préoccupé. Et mes douleurs de plus en plus rapprochées. Je regarde autour de moi avec ma frontale, trouve une magnifique roche et m’y précipite.
L’affaire réglée, j’apprécie la disparition des contractions et me réjouis du confort retrouvé. Je reprends ma course, pas grand monde n’est passé, trois personnes je crois. Pas pire. Rapide et efficace.
Ca continue de rouler gentiment pour attaquer une petite portion un peu plus casse patte. Je freine radicalement l’allure pour préserver mes jambes et mes genoux. C’est un ralentissement nécessaire pour aborder la suite au mieux, tu le sais Manon. Pas de frustration, quelques mecs passent, c’est N.O.R.M.A.L. J’accepte sans problème la situation. Apprécie l’accordéon joué par ce courageux, au milieu de nul part dans la nuit, à 6h du matin.
Ouff la partie casse patte est enfin terminée. Je passe le Pont de Croe Vie (2099m) et aborde maintenant la partie roulante montante jusqu’au refuge. Marche. Course. Marche. Course. J’aime bien.
Le soleil se lève sur la face Sud de la Grande Casse. Comment ça peut être aussi beau ??? Je suis là, presque seule dans cette immensité. Spectatrice de ce fabuleux paysage qui se dessine devant moi au fil des minutes. C’est pour ça que je fais ça, pour ces moments. Ces moments qui restent a jamais gravé dans l’esprit. L’adrénaline de la course et de la compétition est bien sur recherchée. Mais face à ça… Rien n’a plus de poids. Ces paysages. Je m’assiérai presque ! Mais il fait pas chaud, faut rester en activité.
Je continue ma route, doublant par moment et suivant un rythme calme. Je pourrai aller plus vite mais je me dis que ce n’est pas le moment. Ce n’est que le début. Et je suis toujours inconfortable au niveau intestinal. Une gêne qui s’en va et qui revient. (C’est pas fait de tout petit rien). Mais présente trop souvent et me freinant. Ouais, les douleurs s’accentuent quand j’accélère. Donc Calmos Ramos.
La pente se corse un peu pour arriver au Refuge de la Leisse. La voix des bénévoles fait passer cette montée extrêmement rapidement. On parvient jusqu’à eux pour nous ravitailler. Je prends des tucs et du saucisson. « Tu veux du thé ? ». « Bahhh ! Non hos de question, j’ai horreur de ça ! ». « Une femme qu’aime pas le thé ? Et ben ! ». « Team café !«
Je remplis ma flasque bien vide. Ca va 500ml sur ce segment peu exigeant, c’est suffisant.
3e tronçon : Refuge de la Leisse (2487m) – Tignes Val Claret (2100m) : 9.5km – 300d+ – 655d-.
Cumul : 28km – 1800d+ – 1080d-.
Je quitte le ravito pour reprendre la montée. Toujours en économisant mes réserves. Et m’illuminant du paysage.
J’en profite pour doubler la 5e femme, je suis plus à l’aise dans l’ascension des 300d+. Je creuse un peu l’écart et entame la descente.
Roh non… cette fois c’est le pipi qui se pointe. Bon, où je peux aller ? J’avance. Encore. Encore. Ca fait 1.5km que je cherche ne serait-ce qu’une pierre faisant ma taille accroupie mais RIEN. C’est pas un trail pour les femmes ou pour les gros besoins ici ! En plus maintenant il fait jour ! Si ça ne tenait qu’à moi je m’arrêterai n’importe où mais y’a du monde derrière quoi ! « On est tous fait pareil ». Oui oui, mais non !
Et soudain, mes prières sont exhaussées. Mes attentes comblées. Mes espoirs entendus. Dieu existe. Un magnifique cailloux. Ou plutôt un menhir ! Je peux enfin me débarrasser de ce pipi envahissant. Soulagement.
Je croise des bénévoles qui commencent à dégeler en captant les premiers rayons de soleil. En toute logique, je leur souhaite bon courage !
La descente reprend ! Ohalala c’est moche. On arrive à Tignes. Y’a des remontées partout. Je vomis ! Regarde tes pieds Manon, ce cauchemar va vite passer. Allez tu vas y arriver !
En plus de ce paysage, mes contractions abdominales reprennent. Chaque impact au sol me tord le bide. J’essaie de penser à autre chose. Chante un peu ! Après avoir massacré Jean Ferrat, Jacques Brel et Renaud, j’aperçois le ravito, là, juste devant moi ! Mais pas que…. une lueur divine illumine un écriteau. Quoi….? C’est bien ces deux lettres que je lis ? W…W…C…? WC…. WC !! Hallelujah ! Dans ma tête, je danse comme la bonne sœur dans Sister Act. Ni une ni deux, je dépose mes bâtons et m’y précipite.
A mon retour au ravito, en meilleure forme, je commence à dévaliser le buffet en cacahuètes. J’avais encore jamais testé en course. Bah ça passe bien. Même très bien. J’en prends quelques poignées puis attaque le saucisson. L’UTB ne sera qu’un mauvais souvenir et une bonne leçon haha !! Place au dessert. Je le compose de chocolat noir et au lait avec du pain d’épice.
La 6e femme m’a rejointe. Elle ne s’arrête quasiment pas au ravito et repart direct dans la montée en direction du Col du Palet (2600m).
Au km28, je suis 56e au général et 5e femme. Et 6e à son départ !
4e tronçon : Tignes Val Claret (2100m) – Le Laisonnay (1600m) : 14km – 560d+ – 1491d-.
Cumul : 42km – 2360d+ – 2146d-.
Allez. A l’assaut de ce col. Un petit 500d+ pour se remettre dans le bain !
Alors alors, à quel bonhomme je vais m’accrocher ?? Je commence toute seule et verrai bien sur qui j’atterris. Rapidement, je reprends ma place de 5e femme.
Bonjour Baptiste. Ton rythme me convient, j’vais me nicher derrière toi pour la montée. Je passe un accord avec moi-même : tu ne t’enflammes pas, tu restes derrière lui quoi qu’il arrive, même si t’as envie d’envoyer un peu plus. Son allure est plus que correcte. On dépasse du monde. On ne souffle pas comme des bœufs. Les cuisses ne piquent pas. Tout va bien ! Je supprime mes désirs de tartiner et m’adapte à la cadence.
Baptiste gère très bien la montée. Le petit trio que nous formons avec le mec de derrière fonctionne bien. Même très bien. Sans se parler une seule fois. On avance ensemble. On s’accompagne dans l’effort. Et on atteint le col. Physiquement dans de très bonnes conditions pour moi. J’attaque sereinement la descente. Les 12km de descente. Ca va être long. Mais la vue est magique. La face Nord de la Grande Casse est grandiose. J’pourrai lui écrire un poème. C’est le plus beau passage de ce trail. Pour moi.
J’amorce la descente sans réussir à décrocher les yeux de cette montagne. Heureusement que c’est pas technique. Je me ressaisi et me reconcentre sur mon effort, à contrecœur. Je serai bien rester des heures là. A contempler. J’aurai du troquer mon dossard avec un bénévole. J’lui avais déjà fait un bon bout de la course.
Bref c’est parti. Je rattrape Baptounet et le dépasse. J’essaye de freiner pour l’emmener avec moi dans la descente, je sens qu’il a un peu de difficulté. Mais il ne tient pas mon allure. Je me remets donc à mon rythme de confort et essaye tout de même de l’accentuer un peu tout en étant raisonnable. 12km ça peut casser et il reste deux bosses. Gardes en sous la chaussure.
On alterne entre chemin carrossable et single. Je prends énormément de plaisir dans cette descente. Je n’ai pas mal au genou. Mon ventre commence à me laisser tranquille. De toute façon, je refoule toutes les informations venant de lui. Tous les éléments sont présents pour kiffer quoi !
Mais avec tous ces impacts, je savais qu’il allait arriver. Secrètement je l’attendais. Le deuxième pipi ! Encore une fois, c’est pas un sentier pour ! Rien pour se camoufler. Pfff j’men fiche. Personne derrière, je saute dans les buissons du lacets et fais ce que j’ai à faire. Hop c’est reparti, ni vue ni connue.
Les randonneurs nous encouragent sur le chemin. J’avance le sourire aux lèvres. Le moral en extase. Le physique à son apogée. J’ai envie d’embrasser tout le monde. Mais je me retiens. Je pue.
Je double la 4e femme deux kilomètres avant le ravito environ. Déso, j’contrôle rien ça avance tout seul.
J’arrive donc au ravitaillement du Laisonnay (1600m) en bonne forme. Je remplis mes deux flasques (#jaibienbu) et reprends le même menu qu’à Tignes en ajoutant un peu de Beaufort ! On ne se refuse rien ! La nourriture ne me dégoute pas ! Je me « force » à manger parce que je n’ai pas faim en soi mais l’ingestion se passe sans problème, gêne ni dégout. La satisfaction est totale.
Je discutaille un peu avec les adorables bénévoles.
Je culpabilise un peu parce que je vois bon nombre de bonshommes mal en point. On s’encorde si vous voulez. J’ai l’impression que rien ne peut me faire redescendre de mon petit nuage. Même si c’est peinant de les voir dans le mal. Mais bon, ils ne vont pas entacher mon moral !
5e tronçon : Le Laisonnay (1600m) – Plan Fournier (1730m) : 9.5km – 520d+ – 374d-
Cumul : 51.5km – 2880d+ – 2520d-.
Je repars conquérir l’avant dernière bosse. Ca débute par 5km de faux plat. Je suis contente, j’arrive à trottiner facilement, sans me fatiguer. J’suis partie pour 400bornes de toute façon.
Mes intestins se réveillent un peu. Je leur implore de la fermer, je passe un trop bon moment. Mentalement, je les détruis. Et ça marche. Je pense à tout sauf à ça.
Je prends plaisir à redécouvrir cet endroit connu qu’en hiver pour le ski de fond. Ca change quand c’est plus tout blanc.
Au loin, j’aperçois les prémisses d’une montée. La montée à la Tour du Merle (1973m). C’est donc parti pour 500d+. J’amorce l’ascension sans trop savoir comment mes jambes vont réagir, ce que je vais ressentir. Mine de rien, ça va bientôt faire presque 15 bornes que c’est roulant et que je n’ai pas eu à marcher en montée.
Je commence timidement. Gravis 10+, 20+, 30+, 40+…et ainsi de suite. Et ça roule. J’ai mal nul part. J’arrive à tenir un rythme ascensionnel de 850d+/h, voire plus par moment. Sans aucune souffrance, au contraire, j’adore. J’adore cette montée. J’ai envie qu’elle ne s’arrête jamais. J’y suis trop bien. Je vole. Mes jambes m’obéissent.
De plus, on évolue dans la forêt. C’est top. Il commence à faire chaud. La fraicheur me permet de ne pas surchauffer dans mon effort.
Le terrain est parfait. Pleins d’épingles plus ou moins serrés. Profil que j’adore. C’est dans ces endroits que je sais imposer un rythme régulier. Je suis seule dans cette ascension. Je double plusieurs mecs. J’y prends un malin plaisir j’avoue. Parce qu’aucun n’arrive ou n’essaye de s’accrocher à moi. Ils sont plus trop trop vaillant. Venez faire un tour en Oisans les gars, on en revient transformé !
Je passe la Tour du Merle. Enfin je crois, j’ai pas vu de Tour.
Pendant la descente (un poil raide quand même) à Plan Fournier, je commence à avoir faim. L’effort a du piocher dans mes stocks. J’avale un peu difficilement ma barre citron/miel. Je suis un peu barbouillée avec mes intestins et l’intensité de l’effort que je viens de fournir m’en coupe l’envie. Mais je me force. J’en ai besoin. Il reste une montée difficile. J’ai besoin d’énergie. Je bois aussi énormément sur ce tronçon. La chaleur se fait ressentir.
J’arrive tranquillement au 5e ravitaillement à Plan Fournier. Les bénévoles sont adorables, comme toujours depuis le début de la course. De bonne humeur et plein de bienveillance, ils s’assurent que tout roule pour moi. Mon sourire constant ne peut que les rassurer. Je mange bien. Mais que du salé. Si l’envie de sucre arrive, j’en ai sur moi. Je prends deux verres de coca et remplis mes deux flasques. Ohlala mais tu bois trop Manon !
J’en suis au 52e kilomètre. Je me positionne à la 40e place au général. Je suis 4e femme.
6e et dernier tronçon : Plan Fournier (1730m) – Pralognan (1400m) : 13.5km – 1020d+ – 1380d-.
Cumul : 65km – 3900d+ – 3900d-.
Je pars courageusement affronter cette dernière partie. Et pas des moindres. L’affreux Col de Leschaux (2564m) nous attend avec ses 1000d+ à gravir.
Fort heureusement, mes superbes sensations en montée et ma pêche ne sont pas restées au ravito. Tant mieux, c’est fort sympathique. Je continue donc ma remontée infernale. Je ne compte plus le nombre d’âmes que je double, les laissant sur le bas côté mais leur faisant gentiment de l’air lors de mon passage. Bienveillante la Manon.
On est en plein soleil, ça commence à taper bien comme il faut et je suis déjà presque à court d’eau. Beh ça fait à peine 5km que t’as quitté le ravito Manon. Depuis quand tu bois en courant toi ? Fais gaffe, ça risque de te faire du bien !
Le bruit de l’appareil photo me sort de mes pensées. Je tape une pose, souris comme jamais. Comme si la course ne faisait que commencer.
Une fois le shooting terminé, je ressens quand même certains signes de fatigue Je suis toujours bien je vous rassure, mais le rythme que je m’impose commence à être trop rapide. Je ralentis un peu, relâche les muscles et m’accroche à la vision du bénévole, 100m plus haut, au Refuge du Grand Bec (2400m), un seau d’eau au pied. De l’eau fraîche. J’en salive.
J’arrive à sa hauteur sans difficultés grâce à ce nouveau rythme. Ohh que j’suis bien ! Le bénévole me remplis gentiment mes flasques. Mais qu’est ce que c’est bon l’eau. On apprécie vraiment les choses quand elles nous manquent !
Au loin, mes compagnons de galère et moi apercevons le Col. C’est pas loin vu d’ici. Mouais, et ça a pas l’air si terrible en plus. Au briefing, je m’attendais à trouver une face verticale. Mais la… Il me fait pas peur. Je le provoque de loin et lui lance que j’vais le gravir sans même une goutte de sueur !
Trêve de boutade, je reprends le chemin du col et conserve mon rythme. C’est plutôt roulant jusqu’aux derniers 200d+. Roulant mais parsemé de roches. Impossible de courir. Même trottiner est difficile. J’en profite pour prendre la 3e position féminine en doublant ma consœur. Il faut faire un stage en Oisans pour être à l’aise sur ce type de terrain les gars….
Et puis 500m avant de reprendre l’ascension, mon ventre refait des siennes. Mais la, sans prévenir et sans mettre de gants. Ralentissement radical de ma part. Je randonne tranquillement en attendant que la douleur se calme, le coin dans lequel je me trouve ne prêtant pas place à l’intimité. Je prends sur moi. Je sais que c’est le terrain roulant et la petite descente qui ont réveillés les douleurs.
Je salive donc de voir la montée arriver. Les premiers mètres d’ascension sont plus que compliqués. J’ai mal tout le temps et voit le peloton revenir sur moi derrière. Mais nan ! Pas à cause de ça ! J’veux pas me faire reprendre à cause de ces intestins irrespectueux. Allez au mental Manon. « J’ai pas mal j’ai pas mal j’ai pas mal« . Ca passe pas tout de suite j’suis pas un marabout mais ça diminue en intensité. Et l’effet de la montée a du bon ! Moins de chocs. Je me concentre sur ma respiration, mes appuis, les cailloux que je croise (« bonjour, salut, enchanté« ) et le panorama de rêve.
Je relève la tête, jsuis à 50d+ du Col ! Yes ! Je tape une pose pour la photo et grimpe sur le replat. Le Col de Leschaux ! Ca y est ! C’est ça ? C’est juste ça ? Non j’rigole, j’ai un peu souffert quand même ! Ca piquait les cuisseaux.
Par curiosité je jette un coup d’œil derrière moi. Satisfaite, j’entame la descente. J’vais essayer de conserver le petit éclat que je viens de mettre !
Ohlalalala c’est quoi ce truc ??? On doit pas plutôt descendre en rappel la dedans ?? Pourquoi c’est pas équipé ? Ca se court ? Nan sérieux !
Euh…. Bon bah j’pense que c’est le bon chemin tout de même, les fanions sont là…. Emplie de déception, je commence à descendre. Je m’oblige à toujours trottiner, à être tonique ! Même si je suis pas hyper rapide c’est pas grave. Mais c’est quand même vachement difficile. Y’a des cailloux partout, c’est très incliné. Un petit écart de route et on atterrit beaucoup plus bas. Boh c’est peut être la solution pour arriver plus vite.
Du coup, je suis quand même obligée de marcher sur certaines portions par raison de sécurité. Mais aussi parce que je ne suis simplement pas capable d’y courir personnellement.
C’est casse patte. Mais je vois le positif, ça ne me redéclenche pas de douleur abdominale. Et dans cette difficulté, je prends tout de même du plaisir. Je cours avec le drone de l’organisation, m’imagine dévaler le sentier avec une aisance remarquable puis remarque que j’ai l’air d’un hippopotame à faire trembler la montagne à chacun de mes pas.
DRINNNGGG !! Quoi ?? Ah oui ! L’heure du troisième pipi est arrivé. Personne derrière ? Non ! Parfait, cette épingle fera l’affaire.
Allez on est reparti. Ohh dieu merci encore une fois, ça redevient plus roulant. C’est un peu moins incliné (vraiment un peu). Mais y’a plus de cailloux. On rentre dans la forêt. Même pas de pommes de pin pour nous faire glisser. Je peux relancer la machine. Il fait plus frais. C’est parfait !
Le single s’élargit. Ca sent la fin. Les jambes l’ont surement compris. Elles accélèrent. J’aperçois un panneau indiquant Pralognan à une heure. Bon 15/20min quoi. Je fonce. Je croise des bénévoles qui m’encouragent : « Tu vas être sur le podium ! ». Ohlala, mon sourire s’agrandit. Mon bonheur s’intensifie.
Je continue a très bonne allure. Le single devient chemin carrossable. La pente s’aplanit. Des maisons apparaissent.
L’idée de regarder ma montre me prend. C’est la première fois que je m’intéresse à elle depuis l’allumage au départ ce matin. Je vois inscrit 9h55min de course. Ce serait cool si tu passais sous les 10h non ?
Je sprinte. Maudis les 2 micros bosses qui me forcent à marcher et relance directement à leurs sommets. Ca y est je suis dans Pralognan ! Elle est où l’arrivée ?? Vite c’est un cas de force majeure !! Je dévale la pente, saigne le goudron et aperçois « Arrivée – 200m ». Je checke ma montre : 9h58min55sec. Je jubile intérieurement. Ca va passer ! Je donne tout. L’ambiance d’arrivée est magique. Le public parfait et encourage comme jamais. « Elle va passer sous les 10h!! ». Allez Manon tu y es !!
Je franchis la ligne d’arrivée en 9h59min et 49s. Ouais ! C’est ça ! Trop contente. J’arrive à la 32e place au général. Et je vais monter sur la boîte. Je suis 3e femme.
A mon arrivée j’ai droit au micro…. »Oh non… qu’est ce que j’vais raconter il s’est rien passé de spécial ?? » « Les chaussettes de l’Archiduchesse sont elles sèchent archi chèchent. Merde ! » » Bon tant pis, ils seront compréhensifs j’viens quand même de courir 10h« .
Au final, l’épreuve du micro est plus difficile que ces 65bornes !! Non, plaisanterie à part, c’est sympa de pouvoir discuter de cette aventure et de revenir sur les beaux paysages traversés.
« Alors, c’était quoi ton objectif sur cette course ? » Oulah, moi et objectif sur une course…. « J’en avais pas spécialement mis à part profiter mais c’est vrai qu’à la fin en regardant ma montre j’me suis dis que ce serait chouette de faire moins de 10h !«
Voilà Voilà !
Je pars faire un dévalisage au dernier ravito. Me remplie bien la panse. Avant de retrouver mes meilleures amies du jour. Les toilettes !
30min après mon arrivée, c’est le moment de monter sur la boîte invisible avec les 4 autres gagnantes du jour. Je récupère terrines et saucisson. Tout ce qu’il faut pour la récup !
La journée a été dure. J’attends Maxime qui ne va pas tarder à arriver. On se retrouvera autour d’une bière avec Caro et deux autres coureurs. On dormira plus tard.
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